GARE AU GORILLE
Gare au Gorille
Ils ont ouvert en novembre 2014 et depuis le restaurant ne désemplit pas.
Aux manettes : Marc Cordonnier, chef de cuisine, 29 ans et Louis Langevin, 30 ans.
Quel est donc leur secret ?
Marc, quel est votre parcours ?
MC : J’ai fait l’école Ferrandi, à Paris. Pour le BEP, j’ai fait 2 ans d’apprentissage à St Germain en Laye dans un relais château chez Cazaudehore La Forestière.
Puis pour préparer mon Bac pro, j’ai travaillé au Plaza avec Cédric Béchade, chef de La Cour Jardin.
En 2006, je sors de l’école Ferrandi bac pro en poche et suis embauché au Ze Kitchen Galerie. C’est là que je commence à savoir ce que je voulais faire vraiment. J’ai découvert ce qui se passait à Paris… Tout le mouvement autour des chefs.
Puis c’est la rencontre avec Bertrand Grébaut, une rencontre capitale ?
MC : J’ai rencontré Bertrand, un peu par hasard, il venait de faire l’ouverture de l’Agapé depuis 3 mois. Je le rejoins et je reste 1an à ses côtés. Bertrand sortait de chez Alain Passard. Il nous a montré comment cela fonctionnait à l’Arpège, le respect qu’il faut avoir des produits. Bertrand avait une façon de traiter les produits, différente de celle de William Ledeuil, j’ai donc encore enrichi mon expérience.
L’Agapé a eu son étoile cette année là, une chance pour moi évidemment.
Et après cette année à l’Agapé ?
MC : J’aimais la cuisine que j’avais apprise…chez Ledeuil et à l’Agapé. Je voyais que je voulais faire un 3 étoiles mais je n’avais pas envie de faire de Palace. J’avais expérimenté un peu à la Cour Jardin du Plaza mais j’aimais les lieux un peu plus petits, j’avais du mal dans ces grandes cuisines avec beaucoup de monde.
Avant de partir en voyage pour son tour du monde culinaire, Bertrand me place à l’Arpège : je suis aux légumes, un poste intéressant forcément. J’ai découvert plein de choses et j’ai commencé à comprendre comment Bertrand Grébaut réfléchissait.
J’ai passé un peu plus d’un an à l’Arpège, je suis allé aux jardins d’Alain Passard et j’ai fait des évènements là-bas. Ce fut une super expérience.
Après l’Arpège j’ai fait pas mal d’extras chez Saturne le restaurant de Zven Chartier, même parfois en salle.
Puis c’est le retour de voyage de Bertrand Grébaut. Il ouvre Septime en 2011 et je vais être son second pendant 1 an 1/2. Il devenait clair pour moi que le jour où je devenais chef c’était dans mon propre restaurant.
Et vous Louis, quel est votre parcours ?
LL : A 15 ans je fais un BEP en alternance, une année au Jules Verne avec Alain Reix puis une année dans un restaurant familial basque. Ensuite je suis parti en Angleterre, au Lainston House Hotel, une ancienne demeure de propriétaire terrien transformée en hôtel. J’ai travaillé en tant que serveur.
De retour en France en 2004, je prépare mon bac pro en alternance au Meurice, au restaurant gastronomique. C’était la course à la 3e étoile pour Yannick Alleno.
Ensuite j’ai fait une formation « manager de restaurant » chez Ferrandi : gestion, management et compta. Cette formation de 2 ans se termine avec la soutenance d’un mémoire sur une thématique de reprise ou création de restaurant. J’avais fait un projet un peu dans l’esprit de Gare au Gorille. Comme je n’avais pas de chef de cuisine, c’était plus compliqué. J’avais trouvé l’endroit, L’Atelier au coin de Charonne et Lappe. Il fallait un endroit possiblement « achetable ».
3 mois de stage à Londres et 3 mois de stage à Berlin, 6 mois de stage à un poste à responsabilité dans un restaurant, ce sera « Autour du saumon ». C’est à la fois une boutique et un restaurant. J’ai été embauché à la fin de mon stage.
Puis je décide de travailler en saisonnier, mer en été et montagne en hiver. C’est à ce moment là que Marc me rappelle pour me faire venir chez Septime.
Septime c’est l’expérience qui vous réunit ?
LL : oui, en effet, Marc était le second de Bertrand Grébaut. Et Théo Pourriat, l’associé de Bertrand, cherchait un second en salle. On a fait l’ouverture de Septime, Marc en cuisine et moi en salle. On était chacun second des patrons, donc une bonne expérience par rapport à notre futur projet. Je n’avais jamais vu un restaurant qui fonctionnait aussi bien, ils sont complets à 3 semaines et encore parce qu’ils bloquent à 3 semaines. J’ai beaucoup appris auprès de Théo en salle et c’est lui qui m’a sensibilisé aux vins naturels. Sa carte des vins était très intéressante et son approche des vignerons également. Il tissait des liens privilégiés avec ses vignerons qu’il apprenait à découvrir, avec eux il partageait une vision commune du vin.
MC : On savait déjà que l’on voulait travailler ensemble, on a vu qu’on était dans la même lignée. Louis est resté plus longtemps 1 an et demi de plus. Moi j’avais besoin d’un peu de temps après Septime… et avant d’ouvrir mon restaurant. J’ai fait l’ouverture Garance avec 2 anciens de l’Arpège, j’y suis resté 1 an. On a pris le temps, mais petit à petit notre projet prenait forme. On a commencé à voir ce que l’on voulait faire, on a défini notre concept.
LL : C’est Marc qui a trouvé notre financier, notre 3e associé, celui qui nous a permis de concrétiser, Jean Baptiste Varenne.
MC : Il nous a fallu un an pour trouver notre fonds de commerce, puis les travaux… On a beaucoup mis la main à la pâte. On a conçu le restaurant exactement comme on le voulait.
Mi novembre 2014, c’est l’ouverture de Gare au Gorille…
Comment se passe cette ouverture ?
MC : On a eu beaucoup de chance car les 15 et 16 novembre 2014, le Fooding organisait un événement sous la houlette d’Alain Passard avec des anciens Arpégiens : David Toutain, Bertrand Grébaut, Tatiana Levha, Zven Chartier, Ludo Lefebvre, Mauro Colagreco, Björn Frantzen. Et j’ai eu la chance d’être invité à participer.
Deux jours avant l’événement, on faisait les repas tests avec les amis et la famille, et le lendemain on ouvrait Gare au Gorille !
C’était très gratifiant d’être appelé par Alain Passard. Je n’avais encore jamais été chef, donc une grosse pression. Mais cela s’est très bien passé. Il faut reconnaître que le fait d’être des anciens de Septime, nous a pas mal aidé médiatiquement et il nous est arrivé de leur demander des conseils. Ils ont parlé de nous.
Marc, comment définissez-vous votre cuisine ?
MC : Gare au Gorille, c’est une cuisine de marché, de produits, ce n’est pas une cuisine technique. On travaille sur les accords et la sensibilité comme me l’a inculqué Alain Passard.
On ne travaille que des produits frais issus de l’agriculture raisonnée. On ne fait que du poisson en direct : on a seulement 2 heures pour commander le poisson qui monte directement de Bretagne ou de Saint Jean de Luz pendant la nuit et on le reçoit le lendemain matin.
On travaille beaucoup avec Terroirs d’Avenir. A 17h on appelle Terroirs d’Avenir (rue du Nil) ils ont des super produits très adaptés au type de cuisine que je fais.
J’ai également un autre poissonnier Tom Saveurs qui est en Bretagne. Tout cela nous rend très dépendant des produits : on sélectionne en fonction des prix et des idées que l’on a.
Les idées, on les a comment?
MC : J’ai tout essayé mais en fait çà vient à n’importe quel moment. Devant ma feuille blanche çà ne marche pas, mais quand je marche dans la rue ou je suis sous la douche, hop l’idée me vient. Parfois tous les produits sont devant nous et les idées viennent naturellement, parce qu’il y a des logiques qui se créent, issues de l’expérience.
Vous avez des produits « favoris » ?
MC : Les légumes forcément en venant de chez Alain Passard. Le soir, je propose une assiette de légumes de saison. Il y en a beaucoup. Cette assiette reste tout le temps à la carte.
J’affectionne particulièrement la viande, j’ai appris beaucoup de la cuisson des viandes chez Alain Passard, même si ce n’est plus son cheval de bataille. J’aime aussi les poissons crus car j’aime manger beaucoup de choses différentes donc le poisson est léger et s’y prête bien.
Vous avez un pâtissier ?
MC : Non pas du tout, même si le dessert c’est plus compliqué pour moi. On est formé pour çà, mais pour moi c’est moins inné. Pour inventer des tapas j’ai de la réserve, c’est dans ma logique à moi. Pour les desserts j’ai besoin de réfléchir.
Louis, parlez-nous des vins chez Gare au Gorille
LL : Les vins sont bios à la base, vinifiés de façon naturelle : de la vigne à la bouteille, aucun intrant chimique. Parfois un tout petit peu de soufre en quantité infime par rapport à ce qui est permis de mettre, tout simplement parce que j’y suis sensible à la dégustation.
Les vignerons ou les agents de vignerons viennent me faire goûter les vins sur place. Les agents sont des personnes avec qui j’ai déjà travaillé avant Gare au Gorille, et ils connaissent très bien mes goûts. Mais il m’arrive aussi d’aller en régions pour faire des dégustations et découvrir de nouveaux vignerons.
Comment choisissez-vous vos vins ?
LL : Les choix des vins est assez simple, je goûte : si çà me plait je prends si çà ne me plait pas je ne prends pas. Je ne peux pas tout acheter mais on a tout de même près 120 références à la carte. J’aime bien proposer des vins étrangers également.
La carte des vins est toujours en mouvement. En ce moment je n’ai pas beaucoup de Bourgogne rouge, il faut que je puisse avoir des vins de différentes régions pour satisfaire les goûts de chacun de nos clients.
Quel est votre vin préféré ?
LL : Je répondrais plutôt en style de vin. Je préfère les blancs aux rouges. J’aime tout quand c’est bien fait, j’aime les rouges sur le fruit, je suis moins fan des vins qui ont beaucoup de tanin, ou trop ensoleillés. Pas de région de prédilection, il y a tellement de variétés. Dans toutes les régions il y a des choses intéressantes, mais aussi des choses horribles.
Ici on veut faire goûter des vins qui sortent de l’ordinaire, qui interpellent, suscitent le questionnement. On fait des vins engagés, un peu différents. Pas forcément représentatifs des appellations mais qui reflètent la personnalité du vigneron qui apporte sa patte.
Comment voyez-vous l’avenir ? Avez-vous d’autres projets ?
MC : On aime la restauration et il y a plein de choses à faire encore. Mais Gare au Gorille n’a qu’un an. C’est super jeune, il faut encore développer et consolider Gare au Gorillle. Si je devais faire autre chose, ce serait un autre concept. Je suis un bon consommateur de street food et j’irais sans doute dans cette direction. Mais pour le moment, ma priorité c’est Gare au Gorille.
LL : Je suis tout à fait d’accord avec Marc, je suis focalisé sur Gare au Gorille. Il ne faut pas se disperser. Un restaurant c’est une entreprise, il faut gérer et on a encore des points d’amélioration. C’est un gros investissement personnel. Mais nous sommes vraiment très contents : on a du monde tout le temps, les gens aiment l’esprit de Gare au Gorille, apprécient ce qu’on leur sert.
Ils sont jeunes, enthousiastes, ils ont des convictions et une solide formation. Ils ont beaucoup appris auprès de grands chefs qui partagent leur passion et leur savoir-faire. Des expériences qui font avancer et permettent de trouver sa voie.
Ils se connaissent depuis 15 ans mais l’idée de s’associer a mûri lentement, ils ont pris le temps nécessaire.
Voilà sans aucun doute les ingrédients de cette belle réussite.
Merci à Marc Cordonnier et Louis Langevin, non seulement d’avoir ouvert Gare au Gorille pour le plus grand plaisir de tous les gourmands, mais encore de leur gentillesse et leur simplicité à raconter leur histoire.
Gare au Gorille
68 rue des Dames
75017 – Paris
01 42 94 24 02
Du lundi au vendredi.
Déjeuner et dîner.