Maison Lefranc
Poussons la porte, de ce beau magasin traditionnel, qui propose des produits de qualité, fabriqués par des artisans français, dans le domaine culinaire.
Entretien avec Alexandre Valenza-Troubat, l’un des 3 fondateurs de la Maison Lefranc.
Quel est le positionnement de la Maison Lefranc ?
Notre parti pris est de faire du matériel français (c’est vrai à 95%), plutôt traditionnel, pas trop de gadgets en silicone comme on peut trouver chez certains détaillants.
Nous voulons donner une image cohérente et claire de ce que nous faisons, traditionnelle et pro à la fois.
Comme nous travaillons avec les restaurateurs, nous avons beaucoup d’ustensiles professionnels qui ne se trouvent pas facilement sauf dans les commerces très spécialisés. Ustensiles, qui en même temps intéressent maintenant beaucoup de particuliers. Nous constatons qu’ils sont très exigeants dans leurs attentes, plus encore que nous nous y attendions.
Certains font des CAP pour le plaisir, c’est assez étonnant et ils ont parfois des demandes plus pointues que des professionnels.
C’est le premier magasin que vous ouvrez ?
Oui, nous sommes 3 associés à l’origine de ce projet : Bruno Galine, mon épouse et moi-même. Nous avons à peine plus d’un an d’existence puisque nous avons ouvert en mai 2015.
Vous avez ouvert le magasin en ciblant les professionnels ou les particuliers ?
Nous avons ouvert en pensant plutôt aux particuliers exigeants. Dès le début on voulait faire ce que les fabricants appellent du semi-pro, c’est à dire du matériel destiné aux particuliers mais avec une connotation professionnelle.
Mais à l’usage, nous avons constaté que bon nombre de restaurateurs du quartier sont contents de venir chez nous plutôt que dans la grande distribution spécialisée type «Métro» par exemple.
C’est une petite population encore, que nous souhaitons développer.
Nous sommes une petite équipe, très attentive, et manifestement les professionnels apprécient la qualité de service que nous apportons, d’autant que nous leur proposons des prix souvent plus compétitifs que les grandes enseignes.
Qu’est ce qui fait votre « originalité » ?
Nous essayons d’offrir une gamme de produits que l’on ne trouve pas habituellement dans les magasins réservés aux particuliers.
Le rayon « mandoline » en est un bon exemple, nous avons plus de 10 références
Par exemple, les modèles tout-inox de Bron-Coucke (les inventeurs de la mandoline). Ce sont des modèles résolument professionnels mais appréciés de certains particuliers.
Nous proposons également toute la gamme De Buyer, d’excellents produits, très simples d’usage mais avec des fonctions innovantes telles que la découpe de cubes et losanges de 2 à 4mm.
Nous nous efforçons de proposer une certaine profondeur de gamme dans les produits techniques et d’offrir le conseil qui va avec.
Quels sont les fabricants que vous avez retenus ?
Nous vendons avant tout les produits qui nous plaisent, pas forcément les produits les plus à la mode. Nous avons des rapports très étroits avec nos fournisseurs, cela fait partie du plaisir que nous procure cette activité.
Nous sommes partenaires de Cristel, les inventeurs des ustensiles de cuisson à manche amovible. Ce sont des produits formidables, innovants, Nous sommes contents de participer à cette aventure Cristel qui a un retentissement assez étonnant dans le public. Une fois que les gens s’équipent en Cristel, ce sont des adeptes. Travailler avec Cristel est un vrai bonheur.
Nous travaillons également beaucoup avec Mauviel, sans doute moins connu.
C’est du super matériel, plutôt très professionnel, mais depuis quelques années Mauviel commence a rencontrer un vrai succès dans le grand public.
On est très contents d’être associés à cela. Ce sont vraiment de beaux produits, très techniques. L’inox 3 plis a une réactivité et une diffusion de la chaleur vraiment formidables.
Nous avons une très belle relation avec De Buyer qui fait à la fois des produits traditionnels telles le poêles en tôle de nos grand-mères qui sont encore très appréciées (à condition de savoir les culotter !) et qui font aussi des produits très innovants tels que leurs modèles récents de mandolines.
Quant à la société Gobel et Tellier, très connue pour la moulerie et les ustensiles hors-cuisson, ce sont devenu de véritables amis.
Vous avez un large choix de couteaux, d’où viennent-ils ?
Pour la plupart, ils sont fabriqués par la maison Au Nain à Thiers. C’est une petite entreprise, pratiquement de l’artisanat. Ils ne travaillaient initialement que pour les professionnels, surtout en boucherie-charcuterie mais progressivement ils viennent aux particuliers. On a beaucoup de plaisir à travailler avec eux car ils font de beaux produits et pas chers et nous avons développé une relation très amicale avec eux…
Nous travaillons également avec la maison Roger Orfèvre, peu connue du grand public. Ils ont la particularité de maitriser à la fois le travail du bois et de l’inox, il y a peu de fabricants qui savent faire çà.
Le discours ambiant est souvent de dire que l’on ne sait plus fabriquer des petits objets bon marché en France. Eux démontrent le contraire au quotidien. L’éplucheur à 2,80€ est bel et bien fabriqué en France.
Et tous ces moulins sur l’étagère au fond ?
Ah, les beaux moulins Marlux. Nous les aimons beaucoup, ils sont localisés à Montreuil donc ce sont des voisins. Ils viennent d’être rachetés par une maison sympa, puisque c’est De Buyer qui est un de nos partneraires. Dommage, ce ne sera plus exactement pareil. Ce ne sera plus le petit Marlux indépendant. On a choisi Marlux car moins connu que Peugeot et nous avons été séduits par la proximité.
Vous vendez des ingrédients pour la cuisine ?
On a un petit rayon épices, huiles… Ce n’est pas vraiment de l’épicerie.
Nous proposons par exemple les cornichons fabriqués par Monsieur Marc qui sont excellents et c’est tout à fait le genre de personnage que nous aimons : il fait tout, il plante ses cornichons, il les prépare, les conditionne, les livre et les facture…
Nous allons certainement évoluer vers les produits difficiles à trouver, comme les vrais fonds de sauce, les additifs, les épaississants, que l’on trouve difficilement dans le commerce. Il faut aller loin pour les trouver. Et là aussi on pense aux particuliers un peu pointus.
Vous faites des démonstrations ?
Nous avons un poste de cuisson amovible dans le magasin ce qui nous permet de faire des démonstrations culinaires. Nous montrons tous les jours comment utiliser les produits que nous vendons. On est très cuisson inox ici. Beaucoup de gens ne savent pas que la viande ne peut se cuire que dans l’inox ou éventuellement dans la tôle mais dans rien d’autre. Nombreux sont ceux qui essaient de cuire dans de l’anti-adhésif par exemple et trouvent que leur viande ne réagit pas bien, mais ce n’est pas étonnant du tout. On a plaisir à montrer tout cela à nos clients.
Il y a aussi les gens qui ont de l’inox mais ne savent pas forcément s’en servir. En effet, il y a un petit coup de main très simple mais un petit coup de main à avoir tout de même. C’est donc quelque chose que l’on montre très souvent.
Nous montrons également comment mettre une mandoline en œuvre en toute sécurité, comment se servir d’un rouet à légume ou réaliser une cuisson lente dans du mutliplis.
Une fois par mois environ nous invitons un chef d’une grande marque à réaliser une démonstration plus pointue, soit le samedi après-midi soit le jeudi soir Les gens de Cristel y ont déjà participé plusieurs fois. C’est un vrai succès parce que les clients déjà habitués à la marque, viennent pour acquérir des petits trucs, voir des matériels différents, ou savoir comment se servir de ce que qu’ils ont déjà.
Nous avons fait plusieurs sessions avec la maison Mauviel qui ont également eu beaucoup de succès, les habitués de la marque sont souvent de vrais inconditionnels
Ces animations ont lieu quand ?
Les démonstrations se déroulent tous les jours, avec des programmes plus poussés le samedi ou nous accueillons souvent de jeunes chefs de l’école hôtelière qui montrent leurs techniques, c’est très amusant.
Nous essayons d’animer et de montrer comment se servir des outils en vente dans le magasin. Parce que se servir de ces outils n’est pas si simple que cela.
Si on veut par exemple faire cuire de la viande ou préparer des légumes sans matières grasses, il faut savoir le faire, C’est archi simple, mais il faut que l’on vous l’ai montré une fois dans votre vie.
Pour ma part, j’ai découvert à 45 ans comment faire pour cuire une viande correctement. Je m’échinais à cuire dans des poêles anti-adhésives, même de bonne qualité. Je n’y arrivais pas naturellement pas. Un jour une animatrice au BHV m’a expliqué (sans pouvoir m’en faire la démonstration) comment se servir de l’inox et je l’ai mis en pratique. Ce fut une révélation. Tout le monde a du matériel plein ses placards, mais finalement seulement une minorité sait s’en servir correctement. Et c’est un peu pour cela que ce magasin existe.
Oui, justement, comment est venue l’envie d’ouvrir ce magasin ?
C’est venu simplement parce que je me suis mis à cuisiner à partir de l’âge de 30 ans, et comme souvent les hommes quand ont fait quelque chose, on aime bien avoir l’outillage qui va bien. Les années faisant j’ai développé un intérêt croissant pour la cuisine et le matériel culinaire. Dans notre quartier il est devenu difficile de trouver du matériel culinaire de qualité.
L’idée de créer quelques chose dans ce domaine s’est développée sans que nous ne nous en rendions réelement compte.
D’autre part, mon épouse et moi avons une autre activité qui n’a rien à voir du tout avec le domaine culinaire, une affaire de commerce international. Notre associé, Bruno Galine, vient d’ailleurs du même milieu. Ce n’est pas un métier de contact avec les clients, mais du commerce interentreprises pur et dur. Le contact de proximité avec les clients nous manquait un peu. Ici on propose de beaux produits que les gens sont contents d’acheter.
C’est avant tout, une histoire d’envie ?
Oui, nous aimons bien les choses fabriquées en France, le côté traditionnel des vieilles fabriques. Tous ces gens avec qui nous travaillons sont presque des artisans. Ce sont de petites PME, quand ils sont gros ils sont 50. Ce sont des sociétés avec lesquelles on a un rapport qui est vraiment très plaisant et même franchement amical avec la plupart.
Et le lieu, vous l’avez choisi comment ?
Nous habitons en face, dans ce quartier où il n’y a plus aucun magasin de ce type. On ne peut pas acheter une cuiller en bois dans ce quartier, ou alors il faut la payer cher en grande distribution pour une qualité souvent médiocre ou alors il faut aller aux Halles. On adore les Halles mais ce n’est pas à côté.
On se disait qu’il y avait peut être quelque chose à faire un jour. Tout s’est concrétisé parce que ce local était à louer depuis un long moment. Un jour nous avons téléphoné à l’agent immobilier et le hasard a fait que ce magasin était disponible. Comme nous travaillons déjà beaucoup par ailleurs, il nous fallait quelque chose proche de chez nous.
Et puis nous avons embauché Christelle, qui était la première personne à passer les entretiens d’embauche, nous l’avons trouvée formidable. On l’a embauchée pratiquement sur le champ. Tout cela s’est fait un peu par hasard, avec de l’enthousiasme et avec un peu de chance.
Comment avez vous pensé l’agencement de votre magasin ?
Quand nous avons conçu ce magasin, j’avais en tête le marchand de couleurs qui était a côté de chez mes parents, tout près d’ici, rue de Clichy. Un magasin avec des meubles en bois, des rayonnages et des objets qui pendaient du plafond, c’était la caverne d’Ali Baba. Quand on en parle autour de soi, on s’aperçoit que les gens sont très nostalgiques de ces vieux magasins, du commerçant avec la blouse. Cela résonne dans l’inconscient des gens je crois.
Nous voulions un magasin cohérent avec notre concept : traditionnel, français… Aller dans une grande surface, ce n’est pas la même expérience qu’ici.
Vous envisagez d’ouvrir d’autres points de vente ?
Non, pas pour le moment, c’est trop tôt. On va d’abord se concentrer sur ce magasin, le faire connaître et également dévélopper notre offre.
Depuis peu nous proposons l’affûtage des couteaux. Service très apprécié des professionnels, restaurateurs, élèves en école hôtelière et même des particuliers.
Nous développons également notre présence sur internet pour nous faire connaître plus largement et permettre à nos clients de province de se procurer nos produits.
Nous offrons également la possibilité de passer des commandes sur catalogue pour les produits qui ne sont pas en rayon. Nous avons plus de 1500 références, mais en moulerie par exemple nous ne pouvons pas avoir toutes les formes dans toutes les tailles.
Comment voyez-vous la suite de l’aventure ?
Notre idée c’est de donner de la visibilité à des artisans fantastiques, qui n’ont pas forcément, de distributeurs, ou la taille ou le temps de s’occuper de leur commercialisation.
Il y a des gens qui font des casseroles, des gens qui travaillent le cuivre, de tout petits artisans et qui n’ont que quelques clients . Dans la coutellerie également il y a des artisans qui font des choses formidables.
On aimerait faire en sorte que ce monde là et notre clientèle parisienne puissent se rejoindre, donner une vitrine à ces produits que l’on ne trouve pas ailleurs.
Mais on ne peut pas faire que cela, il faut faire tourner le magasin avec des produits plus standard.
Pour le moment, nous manquons de temps car il faut beaucoup de disponibilité pour sillonner la France à la recherche de ces petits fournisseurs avec lesquels nous aimerions travailler, mais c’est la prochaine tâche sur notre liste !
Informations pratiques :
Maison Lefranc
26 Boulevard des Batignolles
75017 Paris
tél : 01 42 66 90 92
horaires d’ouverture
lundi au vendredi : 10h30/14h30 et 15h30/20h
samedi 10h/20h sans interruption